Laine

Vous découvrirez avec plaisir le joli texte écrit par Méméliane sur l’Atelier laine.

Amicalement

Lucienne, Eliane, Marceau et une jeune apprentie

Les mains agiles d'Yvonne

La Buissonnière s’est faite toute douce et chaude de laine…. J’ai rejoint ce 05 février mon Université à Lachau. La Buissonnière s’était faite toute douce, toute chaude de laine généreuse. Au programme le cardage, le filage, le feutrage, le tricotage. Trois plans de travail sont installés. Les animateurs sont à leurs outils. En fond, les panneaux d’exposition largement garnis affichent les activités des deux ans passés.Après ce rapide tour d’horizon je m’installe pour ma première activité de la soirée.

Filage de la laine au fuseau Yvonne me montre d’abord comment elle s’y prend. Je l’observe attentivement. Vient mon tour. Avec ma main gauche je tiens le morceau de laine brute. Avec la droite je tire doucement sur la fibre. Il faut trouver le bon dosage, le bon geste, tout en faisant tourner le fuseau pour former le tors du fil. Mais, mon attention n’est pas assez soutenue et le fil casse. Patiente, Yvonne, me montre comment faire pour le réparer. « C’est les débuts, il faut le temps » me dit-elle en souriant paisiblement. Et elle me montre à nouveau la façon de faire : lente et méticuleuse. J’admire la régularité de son fil qui descend et tourne avec le fuseau. Je me remets à la tâche. Yvonne file à côté de moi. Elle me conseille. Je lui demande « vous filez encore chez vous ? ». « Non, il y a longtemps que je n’ai plus filé. « J’ai appris à filer quand j’étais jeune, pendant la guerre… ». Et quand elle dit çà, c’est comme si le souvenir était resté suspendu depuis toujours à ses lèvres…. J’enroule le fil sur le fuseau. Et me voilà repartie pour quelques centimètres laborieux. Après avoir placé le fil sur l’embout je tire délicatement sur la laine, je donne le mouvement au fuseau.

Filage de la laine à la quenouille A côté de nous Lucienne file à la quenouille et fabrique un fil plus fin encore ! Je lui demande si elle veut bien m’apprendre. A la voir faire, à regarder sa maîtrise, il me semble que sa technique avec la quenouille est plus facile. La quenouille, placée dans un coin de la table, libère la main gauche de la contrainte de la tenue de la laine. C’est avec les deux mains qu’on tire sur la fibre. Bien vite, je m’aperçois que la facilité n’était qu’un leurre et que ma façon de faire n’était certainement pas la bonne car mon fil s’étirait de plus en plus jusqu’à devenir aussi fin qu’un fil à coudre. Je voulus le casser pour redémarrer mon travail. Lucienne me regardait d’un air amusée et me dit « Oh c’est solide, va ! » Et c’était bien vrai : le fil ne voulait pas céder. Je l’enroulais sur le fuseau. Je cherchais à trouver le bon débit et la régularité du fil quand Lucienne me dit : « Bon, je te laisse et si tu fais des truies, je ne te dirai rien ! » . « Des truies, mais c’est quoi ? » la questionnai-je. « C’est çà ! » me dit-elle en me montrant une épaisseur sur le fil. « On dit truies, parce que c’est gros… comme les truies ! ».  Et je tourne sur le fuseau, et je serre le fil, et je replace mes doigts et mon attention au travail… « C’est pas demain que je me tricote un pull, m’exclamai-je en riant ! ». Doucement, doucement, j’ai sorti au moins deux mètres de fil et les truies n’y manquaient pas ! Yvonne, à côté de moi avait changé de matière. Elle filait maintenant un angora vaporeux et blanc qu’on venait de lui confier. Ses doigts agiles et lestes glissaient sur la laine parfaitement dévidée. J’observais le rythme régulier des mains entraînant le fuseau dans une ronde continue.

 

Marceau et Eliane s'exercent

Filage au rouet Sur notre gauche, nous avions trois rouets. Le plus ancien n’a pas daigné fonctionner correctement. Dolinda a essayé un long moment de le mettre en action. Mais, elle a fini par abandonner. Ce rouet avait été réparé et une pièce qui avait été récemment remplacée semblait ne pas convenir. Il restait donc deux rouets que je qualifierai de modernes car faits avec des roues de contreplaqué. Dolinda était la démonstratrice pour l’un, Marceau était le démonstrateur du second. Venait pour moi le tour d’apprendre la technique avec cet outil. Il fallait que je me lie par le geste à ce que faisait mon arrière grand-mère, dans le passé, dans son petit hameau de Rougnouse. La technique de la prise du fil est exactement la même qu’avec le fuseau et la quenouille sauf que le fil se place sur la bobine en actionnant la roue. Au départ, il vaut  mieux tourner la roue à la main. Il faut d’abord maîtriser la prise  régulière du fil et sa tension, ce qui n’est pas évident pour la débutante que je suis. Marceau, pédagogue, observe méticuleusement le geste et ses erreurs. Il me reprend, me montre à nouveau en parlant calmement. En même temps il prend le temps de s’arrêter pour expliquer le passage du fil sur les crochets. Puis la discussion s’installe avec lui. Il m’explique qu’il a appris à filer volontairement il y a quelques années et que son souhait est maintenant de transmettre sa connaissance. Il est formateur et élève de l’université. « Je cherche des volontaires pour apprendre à faire le fil à la faux ! » me dit-il avec enthousiasme…. Je trouve sa volonté de transmission fantastique et exceptionnelle. Il a repris le rouet, forme le fil avec un doigté assuré et garde sur lui le regard vigilant. Il a une parfaite maîtrise du geste et de l’outil et c’est avec le pied et sur un rythme presque cadencé, qu’il actionne la pédale. Décidément l’air vivifiant du pays garde les octogénaires dynamiques !

Sandrine et Eliane à l'oeuvre

Fabrication de feutre Je n’ai pas vu l’heure tourner. Je vais voir si j’ai encore le temps de fabriquer un morceau de feutre. « Mais bien sûr, on va vous faire une place ! », me dit Sandrine avec un large sourire.Autour de la table de travail s’affairent déjà cinq élèves qui sont sur le point d’achever leur « œuvre ». Avec les conseils d’une jardinière d’enfants (Sandrine) et grâce à son entrain et sa disponibilité, tout paraît facile. L’atmosphère est conviviale. Sur la moitié de la surface de la serviette rose, je dois poser trois couches de laine. Avant, il me faut carder la laine à la brosse à carder. On tire sur la laine brute de gauche et de droite jusqu’à la rendre souple et aérée. Ensuite, je dois placer la laine, en petits morceaux réguliers, dans le sens de la fibre (une couche à la verticale, une seconde à l’horizontale et la dernière, encore à la verticale). Il faut bien faire attention de ne pas laisser de trous. C’est un travail reposant et agréable. Au résultat, j’ai une épaisse toison gonflante et douce. Sur les indications de la « jardinière » j’ai rabattu l’autre pan de la serviette. Sandrine est venue avec un broc d’eau chaude qu’elle a versée doucement sur le tout. Comme j’ai vu faire mes voisines de table, j’ai pris la belle pièce de savon de Marseille et j’ai savonné toute la surface. Faire généreusement mousser, masser la toison sous la serviette telle était la consigne ! Bien agréable, ma foi, ce travail, laborieux et délicat, donne au toucher toute sa sensibilité. C’est un moyen assuré de détente et de relaxation ! « Jusqu’à quand je dois masser ? » demandai-je . « Il faut sentir la laine se serrer » me répond Sandrine… « Encore un peu, ce n’est pas suffisant !». Une ou deux minutes plus tard, la laine semble avoir cédé sous l’emprise des effluves savonneuses. Il faut maintenant rouler la serviette, en la serrant. C’est l’ultime opération. Il faut appuyer sur le boudin en le faisant rouler énergiquement. « Il faut appuyer bien fort ! » dit Sandrine. En avant et en arrière et çà roule sur la table qui grince et bouge. Et çà n’est pas fini avec la roulade. Il faut défaire le boudin et en refaire un autre dans l’autre sens. Et on recommence à tourner en y mettant tout son poids et tout son souffle pour transformer la laine jusqu’à lui donner sa consistance finale de feutre. Chacun a posé la question « Tu crois que çà suffit Sandrine? » Quelle que soit la réponse, l’impatience se faisait sentir de découvrir notre réalisation. Et nous étions aussi émus que des enfants devant ce morceau de feutre si doux, encore chaud et humide, nous posant tous intérieurement la même question : comment la nature avait pu opérer un tel changement avec des gestes aussi simples ? Et à cette question une autre succédait aussitôt : qu’allions-nous faire de ce feutre pour le rendre utile et marquer le souvenir ? Venait maintenant le moment de rincer notre feutre à grande eau. Sans cela le feutre risquerait de pourrir.

Tricotin et tricot à tous les âges

Le Tricotin géant mécanique Je n’aurai pas le temps d’apprendre le maniement du tricotin mécanique géant qui a fait beaucoup d’adeptes et de curieux. Le cliquetis de la machine occupait tout l’espace.  Marie-Jo d’un air enjoué  tournait religieusement la manivelle de son manège enchanté. Les regards étaient comme aimantés. Pour qui le bonnet coloré exécuté sous les yeux ébahis ? Monique dans une mer de pelote de toutes les couleurs apprenait à qui le voulait le maniement des aiguilles ou de petits tricotins. Elle mettait toute sa patience et son dévouement à faire fabriquer de belles fleurs de laine.

La veillée Autre moment chaleureux. La table a été dressée avant même la clôture des derniers ateliers. Les plats y sont déposés. On goûte la préparation culinaire des uns. On partage celle des autres. On vit le moment dans la sérénité totale. Sur un ballot de laine, la petite Zita s’est endormie. Rêve-t-elle de la quenouille ?

Ecrit par Méméliane le 14.02.11

La quenouille

L’enfant, voyant l’aïeule à filer occupée,
Veut faire une quenouille à sa grande poupée.
L’aïeule s’assoupit un peu ; c’est le moment.
L’enfant vient par derrière, et tire doucement
Un brin de la quenouille où le fuseau tournoie ;
Puis s’enfuit triomphante, emportant avec joie
La belle laine d’or que le safran jaunit
Autant qu’en pourrait prendre un oiseau pour son nid.
Victor Hugo
(Poème tiré d’un livre de Récitation de 1926 – Ed Nathan)

Un excellent article de la Tribune fait suite à l’Assemblée Générale de l’Université Buissonnière du 5 février 2011, à l’Atelier Laine et à la Veillée

Article de La Tribune, Jeudi 24 février 2011

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